C’était sa première compétition de cette année si spéciale.
Johan sur la première marche du podium de la catégorie M35/39 et finit 32ieme scratch.
Une belle performance :
: 27’40
: 2h18
: 1h19
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Allez pour les plus courageux je prends un peu de temps pour raconter tout ça. Pour les plus courageux ou les plus curieux à vrai dire, et puis pour moi si je reviens une troisième fois aux Sables
Pour commencer je dois reconnaitre que j’étais très serein au départ. C’est assez inhabituel pour moi mais ce jour-là ça allait. J’étais largement dans les temps avant le coup de feu, exactement comme j’aime. Pas de stress, le temps d’arriver dans le sas en première ligne…tout va bien. Je ne ressens pas la pression que j’ai pu avoir dans le passé sur d’autres courses, malgré le label IM. Ceci dit je n’ai aucune raison d’avoir la pression il n’y a pas d’enjeu pour moi aujourd’hui : je ne vise pas de slot et viens simplement ici pour me faire plaisir, me situer et reprendre des automatismes. J’ai le temps de voir partir les pros au lever du soleil et j’en profite. Je tourne gentiment les bras sans quitter le sas pour m’échauffer au sec et, petit à petit, c’est mon tour de prendre le départ. Avec le rolling start c’est 6 athlètes toutes les 8 secondes et si je n’avais pas cafouillé avec mon masque covid coincé sous le bonnet que je n’ai pas réussi à enlever facilement j’aurais pris la toute première vague de mon groupe d’âge (35-39), tant pis ce sera la deuxième. L’essentiel c’est de partir devant.
Top départ : je bondis de marche en marche pour accéder à la plage ou ce qu’il en reste compte tenu de la marée haute. Quelques dolphins pour gagner du temps jusqu’à ce qu’il y ait vraiment de l’eau et cette fois c’est vraiment parti. 1.9kms au programme avec d’abord 300m pour quitter la plage puis la remontée du mythique chenal du Vendée Globe. Dès le début je cadence fort et je reviens assez vite sur la première vague. Je poursuis mon effort et, arrivé aux 300m, je constate qu’il n’y a pas grand monde autour, signe que le rythme est bon. Je me sens bien et je compte bien en profiter. J’attaque le chenal sur le bord duquel sont massés des dizaines de grappes de spectateurs venus au spectacle de bon matin. Autour de moi il n’y a presque que des féminines du groupe d’âge parti juste avant et un bonnet vert (AG 35-39). Il a un bon rythme et je me mets dans ses pieds. Du coup c’est lui qui se charge de slalomer parmi les bonnets roses des féminines et les bonnets turquoise des 40-44 que nous commençons également à rattraper. Moi je m’applique sur mes mouvements car il nage assez fort et je suis régulièrement obligé de bien relancer pour conserver assez de proximité entre nous deux. Je jette régulièrement un œil autour et je ne vois aucun bonnet vert…je me dis que c’est très bon signe. Je finis par le perdre quand il reste 300-400m et c’est la vue des oriflammes de sortie qui me motive à maintenir un rythme soutenu. Je sens que je suis bien placé et je compte bien en profiter. Quand je sors de l’eau je suis déjà focalisé sur ma transition (27’40 – 3ème AG 35-39).
Je cours sur le ponton et mon premier réflexe c’est de regarder devant (il est long ce ponton
s’il y a des bonnets verts : aucun. Ceci dit il y a beaucoup de triathlètes qui n’ont déjà plus le bonnet (sic !) et d’ailleurs mon second réflexe c’est d’enlever à mon tour le mien. (Bah quoi ?) Dans le PAV je suis bien décidé à faire une bonne transition mais il faut reconnaître qu’une fois de plus mes gestes sont imprécis, la circulation est quasi coupée dans mes doigts et je manque de préhension fine… c’est de nouveau le bazar. Difficulté d’équilibre pour enlever la combi, le pied trempé qui ne rentre pas dans la chaussure, mes doigts qui saisissent avec trop d’imprécision la jugulaire de mon casque…résultat 3’35 soit 40-45″ de trop au vu des temps des autres concurrents.
Pas le temps de tergiverser de toute façon j’enfourche mon vélo, bien cette fois, et je pars pour 92kms. Passés les deux premiers pour s’extraire de la ville je me pose sur les barres et j’arrête de réfléchir. Je ne regarde même pas les watts et j’imprime une cadence soutenue en me fiant à mes sensations. C’est ça la stratégie du jour : je vais rouler franchement et ne pas me plafonner en fonction de ce que m’affiche le capteur. Advienne que pourra quoi
#yolo. Comme me l’a dit Chris la veille si je ne prends pas de risque aujourd’hui alors qu’il n’y a, pour moi, aucun enjeu alors je n’en prendrai jamais. Bien entendu je garde en tête qu’il y a une troisième partie après le vélo donc j’y vais franchement mais sans jouer complètement les têtes brûlées. Et ça semble fonctionner ! En effet l’allure est bonne (entre 39 et 40kms/h de moyenne) et surtout (surtout): aucun AG 35-39 en vue ! Au bout de 25-30kms si un rééquilibrage avait du se faire il aurait eu lieu donc maintenant, sauf surprise d’un triathlète parti loin derrière dans le rolling start, je sais que mes adversaires et moi-même nous avançons plus ou moins à la même vitesse. Je finis tout de même par en reprendre un de dossard vert (AG 35-39, faut suivre hein je vais pas répéter) et comme j’ai compris maintenant que je suis certainement dans le top 5 de la course cette place de gagnée est importante et me donne encore plus d’envie. Alors je continue d’appuyer, 300W, 350W parfois voire même beaucoup plus dans certaines bosses. Cadence au-delà des 90rpm et une AP qui avoisine les 270W. Je me sens hyper bien mais je reste concentré pour ne pas pécher par excès de confiance. Je suis surtout très vigilant à l’hydratation, j’ai vécu plusieurs séances ces dernières semaines/mois qui se sont mal passées à cause d’un défaut d’hydratation donc je suis très attentif à ça car c’est une des clés pour bien courir derrière. J’y suis tellement attentif qu’à partir du 60ème kilomètre (toujours aucun 35-39 à l’horizon) ma vessie se manifeste sérieusement. J’essaye plusieurs fois de me libérer sur le vélo mais rien n’y fait…tant pis on verra plus tard jusqu’où je peux aller comme ça. Côté parcours c’est très plaisant : plat mais avec de nombreuses bosses qui, sans être vraiment raides, permettent de casser la monotonie de la position aéro. Un vrai régal. Et pour ne rien gâcher il fait beau, je me sens bien…la banane quoi !
Dans les 20 derniers kilomètres je fais un petit bilan : vitesse moyenne plutôt bonne (+/- 40kms/h), le wattage est exactement ce qu’il devrait être même sans y avoir prêté attention (à se demander pourquoi je me prends la tête parfois) et les sensations sont vraiment bonnes. Je me donne encore 10kms pour être généreux dans l’effort et puis il faudra commencer à se projeter sur le semi-marathon. A priori je suis bien classé (peut-être même en tête) et arrive maintenant ma discipline phare…tous les voyants sont au vert. Bon au final en approchant des Sables il y a du monde sur les bords de route et même quelques photographes alors je fais bonne impression et je continue d’envoyer, laissant toutes mes bonnes résolutions où je les ai prises : derrière moi. J’arrive devant le PAV, pied à terre : vélo bouclé en 2h18 (4ème AG 35-39).
Je pose mon vélo dans un PAV désert…aucun vélo autour de moi. Cette fois c’est sur mon grand : t’es devant tous les autres. Mais ne te laisse pas envahir : la course n’est pas finie, transition first. Cette fois ça se passe mieux d’ailleurs. Je sors du PAV en 1’54 (perfectible certes mais bien mieux que T1 en comparaison avec les autres concurrents) et je pars pour 21kms à pied : mon moment de vérité. Je laisse tranquillement mon rythme cardio respiratoire se stabiliser le temps de passer devant les terrasses du port puis sur la plage. Arrivé sur le remblai là je pars pour trois tours. Trois tours pendant lesquels je veux répondre présent, bien décidé à défendre sérieusement mes chances.
J’attaque mon premier tour derrière un Peter Heemeryck en perdition. Lui doit être dans son 2ème ou 3ème tour je ne sais plus mais clairement il coince. A ce moment-là il est 2ème de la course pro et il se retourne régulièrement pour mesurer les écarts. Moi qui suis derrière ça me lance parfaitement dans ma course, je prends à mon compte tous ses regards jetés en arrière et je le reprends assez vite. Un peu plus loin le vélo ouvrant la route au 2ème homme pro me repassera devant et je verrai que le belge a perdu une place au profit d’Anthony Coste qui me dépose sans sourciller (je l’ai quand même encouragé mais bon c’est vexant). Ici encore je me fie plutôt à mes sensations qu’à ma FC. On n’est pas nombreux sur le parcours et même si l’hypothèse d’un athlète parti loin dans le RS est toujours possible je n’y crois pas beaucoup. A mon avis ceux qui venaient jouer un podium aujourd’hui ont pris un départ dans les premières vagues mais je ne m’emballe pas et j’attends patiemment la fin du premier tour pour voir mon père qui doit m’annoncer les écarts. Enfin s’il y arrive parce que gérer l’appli, les photos, me repérer c’est aussi une épreuve ! Fin du premier tour je le repère dans la foule (masquée la foule hein, pas de blague), il m’annonce 1er avec 4’18 d’avance. Intérieurement je serre le poing. L’écart doit être celui pris au départ de la cap. De mon côté je suis bien parti pour courir en moins de 1h20 et j’ai de super sensations…dans ces conditions un tel écart ça ne se rattrape pas. Néanmoins la course n’est pas finie et je maintiens le rythme autour de 3’43-45/km. La deuxième boucle se passe sans encombre, je prends les ravitaillements et j’avale les kilomètres. De nouveau je passe devant mon père et de nouveau il m’annonce en tête mais cette fois avec 2’36 d’avance…hein !!?! En l’espace de plus ou moins 8kms j’ai perdu 1’40 ? Réflexe pavlovien : j’allonge la foulée, il reste un tour il faut tout donner. Bien décidé à conserver mon avantage dans ce dernier tour je réfléchis quand même pour me rendre compte que soit j’ai réellement perdu 1’40 et auquel cas le mec court vraiment fort (vraiment) soit c’est une erreur de tapis ou d’affichage sur l’appli, probablement dans l’écart précédemment annoncé (celui de 4’ au 1er tour). J’en viens de toute façon à la même conclusion : il y a une victoire à aller chercher alors quelle que soit l’hypothèse juste c’est le moment d’avoiner et pas qu’un peu.
J’y vais sérieusement cette fois, c’est le dernier tour et je ne veux pas finir la course avec des regrets. Je me fixe des mini-objectifs pour maintenir le rythme imprimé : d’abord l’arche Red Bull à mi-chemin du demi-tour, puis la petite côte, le bout du lac…etc. Au fur et à mesure je vois que mon investissement ne paye pas vraiment : le rythme est stable à 3’44/km en moyenne mais qu’importe car sans cet investissement prononcé il baisserait surement. Je termine le tour du lac et j’attaque les deux derniers kilomètres avec encore plus d’énergie. Je fonds au travers des concurrents encore dans les tours précédents. Quand le ravitaillement arrive je m’écarte ostensiblement vers le milieu de la route pour #1 faire l’impasse dessus et surtout #2 éviter tout aléas qui m’obligerait à changer de trajectoire et/ou de foulée (et donc devoir relancer). Je fais le maximum pour rester lancé, la foulée la plus longue possible. Je suis clairement sur un effort de fin de semi-marathon sec et pas d’un IM70.3, je gratte tout le temps que je peux en m’efforçant d’être aérien et rapide. J’attends le dernier écart pour mesurer si cet investissement suffira. Dernier kilomètre. Je suis un peu au plafond en terme cardiaque. Je scrute la foule. Mon père est là, il a le sourire et m’annonce : 3’36 d’avance…<soupir>
Le poing serré et pas qu’intérieurement cette fois. Ce verdict c’est l’arrivée avant la ligne : je vais gagner cette course <sourire> Il reste 400m. Je les fais tambour battant, sourire aux lèvres. Je serre à droite cette fois pour arriver sans décélérer en face du bénévole qui gère le demi-tour. Il ne le sait surement pas lui mais il m’a déjà vu passer deux fois donc cette fois je vais tout droit. Ma foulée parle pour moi : il s’écarte et je m’extrais du peloton pour arriver extatique sur la moquette rouge d’arrivée. L’arche est devant moi, le speaker annonce mon nom : je suis seul au monde. Je vais gagner cette course bordel ce n’est pas génial ça !!! Je suis transporté, impossible de décélérer. Je franchis la ligne en hurlant, les poings serrés. Semi-marathon bouclé en 1h18 (2ème AG 35-39). YEEEESSS !!!
Le protocole covid ternit un peu l’aire “After Finish” mais au moins la course a pu être maintenue…et en ce qui me concerne elle s’est tellement bien passée. Une course sans enjeu qui finalement devient ma course la plus aboutie sur ce format. J’étais déjà monté sur une deuxième ou troisième marche d’un podium ironman mais aujourd’hui je monte sur la plus belle, la plus haute et c’est tout simplement enivrant. 4h10 au final, 1er AG 35-39, 3ème amateur overall et 30ème au scratch si j’enlève les deux relais masculins qui me précèdent. Quelle formidable sensation que de se sentir voler ainsi pendant toute la course, c’est indescriptible. Qui plus est cette victoire je l’ai partagée avec bon nombre d’entre vous qui m’avez suivi sur le tracker (il reste du monde après toutes ces pages d’écriture ?) que ce soit les copains du
Team Argon 18 France
, du
Triathlon Sannois Franconville
, les
AMIS FSH
ou d’autres encore.
Parmi toutes ces personnes-là je me permets juste d’ajouter une ligne ou deux à votre lecture pour deux d’entre-elles. D’abord mon père (
Gilbert
), indéfectible premier supporter, qui une fois de plus m’a accompagné ici tout le week-end et surtout a fait en sorte que l’organisation et la logistique soit parfaitement gérées. Ma sérénité sur cette course je la lui dois et évidemment il s’est également époumoné à chacun de mes passages, merci mon papa. Et puis ensuite bien sûr il y a
Chris
. Il me coache c’est vrai mais pas uniquement : il me conseille sur tous les aspects et il serait plutôt une sorte de mentor en fait s’il n’était pas avant tout mon ami. On se comprend lui et moi et sans les heures passées ensemble au téléphone ou par sms à planifier, structurer, organiser ces dernières semaines, ces derniers mois cette victoire ne serait pas là. Merci Chris, tu le sais on a couru à deux toi et moi aujourd’hui et (spoiler) on remet ça bientôt : RDV au Frenchman XXL d’Hourtin le 10 octobre !