Xavier Philippe, habitué de Kona, et manager du team vainqueur de l’IRONMAN Triclub program Division V 2018 nous explique les motivations des argonautes:
Nds78 : Après Kona 2018, dès les premières heures de Nds78 tu t’es mobilisé suivi par tous les athlètes du team, pourquoi?
Xavier: Kona 2018 ou 2017 ou Kona 2015 ou … Pour y être allé quelque fois, je trouve que l’histoire se répète un peu, mais c’est vrai que sur l’ironman d’Hawaii toutes les conditions idéales sont réunies pour favoriser le drafting et qu’au fil des années, je n’ai vu aucune mesure sérieuse mise en oeuvre.
Du coup, lorsqu’on a vu arriver cette initiative No Drafting Spirit 78, nous ne pouvions que la soutenir. L’union fait la force, en rassemblant nos voix, on peut espérer faire avancer les choses.
Tu penses vraiment qu’il existe des solutions pour ne pas connaître de nouveau un scénario comme celui de Kona 2018?
Dans l’équipe, à part un ou deux excellents nageurs, tout le monde se retrouve confronté à ces phénomènes de peloton, à devoir être vigilant pour ne pas être au mauvais endroit et au mauvais moment. Pour ce qui me concerne, je double chaque année entre 600 et 1000 coureurs, et des paquets, j’en vois !
On démontre facilement qu’au moins sur les 20/30 premiers kilomètre, il est mécaniquement impossible de respecter les distances. Trop de monde avec un niveau de natation homogène. Bref, les athlètes sont pris au piège et c’est extrêmement frustrant.
Pourtant des solutions existent : le rolling start par Catégorie qui existent déjà sur le WC 70.3. C’est sûr, c’est nettement moins sexy, la course perd de son charme, de sa lisibilité, chacun est sur son effort individuel, mais ça marche.
Réduire le nombre d’athlète au départ, en 2013, nous étions 1600, en 2018, 5 an plus tard, 2300 … Cherchez l’erreur. Mais je ne suis pas certain que cette mesure plaise à la société Ironman.
Changer le parcours et mettre des grimpettes des le début … c’est pas ce que je préfère, mais bon si cela permet d’exercer.
Il y a des solutions mais pas la volonté.
Le problème se limite donc aux organisateurs?
C’est pas si simple. Sur Kona, l’absence de rolling start, le nivellement du niveau général, la densité des athlètes au départ, favorise le drafting. On va dire que c’est lié à l’organisateur qui fait des choix comme je viens de le dire.
Mais, dans d’autre cas, on croise parfois des drafteurs professionnels, des gars qui vendraient leur mère pour gagner 2 places. Mais fort heureusement, ils sont finalement rares, car la plupart du temps les gars sont réglos.
On trouve aussi des opportunistes, des gars qui ne veulent pas forcément tricher, mais comme y ‘a des pelotons sur Hawaii, et bien ils s’y accrochent.
Et donc, tu proposes quoi pour changer ces comportements ?
Il faudrait peut etre durcir les règles, passer la limite de 12 à 20m, comme à Roth, passer la pénalité à 10min, ce qui serait plus dissuasif, ou encore mettre en place de l’arbitrage vidéo ou encore utiliser des puces intelligentes qui embarqueraient un capteur GPS, qui dénoncerait les cas de de drafting avérés, et qui pourrait aussi éviter les erreurs d’arbitrages, car il y en a également.
A l’heure du cloud computing, du big data et de l’intelligence artificielle, il y a sûrement de bons algorithmes qui pourraient mettre en évidence les drafteurs. On a bien Strava qui identifie les copains avec qui on a roulé dimanche dernier !
Au lieu de distribuer des ‘’Kudos’’, ils pourraient développer un système de ”Krados’’ : En analysant l’effort, les watts développés, les périodes de roue libre, les athlètes à proximité, il serait facile de mettre en évidence ceux qui ne jouent pas le jeu.
Cette année, un athlète du team qui s’est fait prendre en photo au milieu d’un peloton a Kona. Mauvais endroit mauvais moment. Ça a fait le buzz sur Facebook. Mais la publication de sa gutai intensity a clos le débat : no drafting.
De même, en analysant les performances sur le long terme, on pourrait mettre en évidence les performances d’un jour qui seraient douteuses, soit à cause du drafting, soit à cause du dopage mécanique ou chimique.
Cela posera d’autres problèmes, fiabilité des données, fiabilité des capteurs, des algorithmes, identification des invididus etc … Mais je suis sûr qu’il y a moyen de faire quelque chose de ce côté là. Dans mon métier, informatique financière, on parle d’utiliser l’intelligence artificielle pour détecter les fraudes. Y’a k’a faire pareil dans le sport. Juste une histoire de volonté.
Ici c est no drafting ! No doping c est la même chose pour toi ?
Exactement, c’est de la triche dans les deux cas.
Mais il faudrait systématiser. Par exemple, pas de donnée de puissance, pas de classement. Ou encore pas de pipi … pas de classement. Faire pisser tout le monde et faire ensuite un contrôle aléatoire … je suis sûr que ça ferait ralentir certains athlètes.
Et dans le team, vous êtes tous no doping no drafting ? Zéro cartons ?
No doping j’espère bien.
On a la chance d’avoir des mecs qui sont diplômés en sport, y’en a un qui a fait son mémoire sur les effets du dopage, y’en a même un qui est médecin. Donc je mise beaucoup sur les échanges et le dialogue pour renforcer nos convictions, pour faire du sport propre, et surtout de ne pas faire d’automédicamentation foireuse. Aujourd’hui je n’a pas le droit de ”ne pas savoir’’ surtout lorsqu’on est bien entouré.
Maintenant, si je regarde le nombre de cartons, je devrais virer tout le monde (rire). Quasiment tous les athlètes se sont retrouvés au moins une fois au mauvais endroit (juste derrière un gars qui se rabat, à 8m au lieu de 12m car le gars de devant a freiné, ou encore juste derrière un athlète qui accélère alors qu’il voulait le doubler), au mauvais moment (juste au moment où un arbitre arrive), ça reste rare, c’est souvent injuste, mais ça montre que les arbitres font, ou essaient, de faire leur boulot, avec parfois un peu trop de zèle, tant pis.
Et plus on fait de course, plus on est devant à batailler pour garder sa place, plus on on a de chance d’être dans cette mauvaise situation.
Mais je peux vous dire que je connais mes athlètes, je connais l’état d’esprit, on en parle suffisamment entre nous, on sait qu’on est très regardé, et du coup, on est droit dans nos bottes, on essaye de faire au mieux, de se replacer, mais comme je le disais, parfois au moment endroit, au mauvais moment, c’est comme ça. Du coup, je mise tout sur l’intelligence artificielle pour avoir des jugements plus partials et plus juste !!
Et toi, combien de cartons alors?
Trop mauvais nageur, je pars de trop loin, du coup, quand je double, y’a pas photos. Donc zéro carton depuis 2002, mais honnêtement, je dois avoir une bonne étoile, par exemple en 2013, je reprends 1000 places sur Kona, y’a quand même des fois où tu dis, si un arbitre était là et qu’il décide d’aligner tout le monde, je suis bon pour en prendre un.
Merci Xavier. Rendez vous à Kona?
Un jour sûrement, une fois que les choses auront bougées. Merci d’unir nos voix et d’essayer de faire avancer les choses. Vive le sport et Success Together !